Pour compléter l'apprentissage des deux langues et pénétrer dans leur culture et leur esprit grâce aux fables, aux anecdotes et un peu de grammaire!
Vente de livres bilingues russe/français
(éditions Natania)à la Maison de la Russie à Nice
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6. FABLES (Vol.1) 18.50 euros
7. FABLES (Vol.2) 18.50 euros
8. Le Héron et la Grue. 5.60 euros
CONFÉRENCES - ДОКЛАДЫ
ALEXANDRE NEWSKI
АЛЕКСАНДР НЕВСКИЙ
С’est sans doute le prince le plus populaire de la Vieille Russie. Si l’on en croit les sondages, c’est le prince le plus populaire de tous, et même de toute l’histoire de la Russie.
C’est sans doute grâce au film grandiose, chef-d’oeuvre de l’histoire du Cinéma mondial, « Alexandre Nevski » de Sergeï Eisenstein. On connaît bien la puissance de propagande du cinéma, la plus importante parmi toutes les autres formes artistiques, son extraordinaire pouvoir sur les masses. C’est pourquoi aujourd’hui nos impressions sur Alexandre Nevski sont liées plus au cinéma qu’à la réalité.
Eisenstein, et la propagande officielle, ont créé l’image du prince Idéal, vainqueur des forces menaçant la Russie, d’un prince proche de son peuple, bon mais ferme. La conscience collective le perçoit comme l’idéal, pratiquement parfait, de l’homme politique. En vérité, il n’est tel que dans le film d’Eisenstein.
La réalité présente le personnage d’Alexandre Nevski dans un contexte de mythes et de fables. Et bien sûr mythes et fables concernent essentiellement les événements qui ont fait d’Alexandre Nevski le grand prince et le personnage historique préféré de notre propagande. Il s’agit avant tout des deux batailles que, sans la moindre exagération, CHAQUE Russe, et plus largement chaque écolier, connaissent sans la moindre exception : la Bataille de la Néva et la Bataille du Lac Peïpous.
La propagande officielle place ces deux victoires au même rang que celles de Borodino, durant la campagne contre Napoléon, et des combats qui ont fait des millions de victimes pendant la 2e Guerre mondiale.
Nous allons donc essayer de comprendre le choix ces deux batailles (Néva - Peïpous) pour la propagande officielle.
Pour comprendre les événements, commençons par étudier leur contexte
Nous sommes au XIIIe siècle. En France, règne Louis IX (Saint-Louis), c’est l’époque des Croisades, des réformes.
Vous voyez un image bien connue (voir la carte): une multitude de principautés féodales. Presque comme en France. Ces Principautés passent leur temps à se battre, et à se réconcilier. C’est la vie normale au Moyen-Age.
Mais voici, venus de l’est, les peuples nomades, remarquablement bien armés, forts de 20 ans d’expérience de la guerre, et de plus très motivés. Ces peuples, nous les appelons les Tataro-Mongols. Ils entreprennent plusieurs expéditions sur les territoires de la Russie. En 1230 ils marchent sur le nord de la Russie, et réduisent en cendres les villes russes, puis 10 ans plus ils font la même chose dans le sud de la Russie.
Les princes russes n’opposent pas de résistance sérieuse aux Tatars. C’est la conséquence de la vie médiévale: les princes ont maints griefs et contradictions entre eux, et ne peuvent se mettre d’accord pour s’allier contre l’envahisseur.
Lorsque les Tatars arrivent à Vladimir, le Prince de Riazan se réjouit, parce qu’il est son ennemi. Le problème est que les Tatars se jettent ensuite sur le Prince de Riazan, et sur les autres.
C’est ainsi que la Russie tombe sous le joug tatar et doit payer son tribut aux vainqueurs.
De plus, ce sont les Tataro-Mongols qui installent le pouvoir dans les Principautés russes. Tout prince russe, avant de prendre le pouvoir, doit demander la permission aux Tatars.
Voilà le tableau de la situation durant l’enfance et la jeunesse d’Alexandre Nevski. Le monde auquel on était habitué s’est écroulé. Nous ne savons rien de la résistance d’Alexandre aux Tatars, et encore moins de ce qu’il pensait de la situation. Mais nous savons que son père, Yaroslav Vsevolodovitch, est le premier prince russe qui se rapproche dans une certaine mesure des envahisseurs et obtient leur confiance : le droit de régner, des mains mêmes de Batyi, celui qui, quelques années auparavant, a totalement anéanti des dizaines de villes russes.
Cependant, Yaroslav n’a pas le temps d’entrer dans ses fonctions. On le retrouve mort pendant son séjour dans le camp tatar. Batyi décide alors de donner la charte du pouvoir à son fils cadet, Andrey, et Alexandre Nevski, le fils aîné reçoit Kiev.
Mais Kiev à cette époque est dans un état pitoyable : dès avant l’invasion tatare, la ville a fait été dévastée par les armées des princes de la Vieille Russie (Rus’) lors de leurs luttes intestines. C’est pourquoi Alexandre ne se rend pas à Kiev, mais à Novgorod, et les Tatars, de toutes façons, ne le surveillent pas outre mesure à Novgorod. C’est en tant qu’en prince de Novgorod que le prince entre dans l’histoire.
Il convient de dire ici que Novgorod a eu beaucoup de chance pendant l’invasion. Les Tatars ont pillé le sud et le nord (voir la carte), mais ne sont pas allés jusqu’à Novgorod, par manque de ressources, problèmes de logistique, plus le printemps, c’est à dire des routes inondées. Novgorod, profitant de l’aubaine, a reconnu de son plein gré sa dépendance aux Tatars et accepté de payer l’impôt. C’est ainsi que la ville évite la destruction et peut continuer sa vie habituelle. De plus, Novgorod se trouvait à l’écart des autres principautés russes et avait moins de contacts avec elles.
Le musée de Novgorod conserve des chartes écrites sur des écorces de bouleau , que l’on pourrait comparer aux SMS des citadins de l’époque. Si un habitant de la ville voulait signaler son prochain voyage, par exemple à Moscou, il écrivait:« je pars en Russie », la Russie étant alors considérée comme un autre état. Novgorod était une entité à elle seule et elle l’est restée même pendant la conquête tatare. Entre autres, Novgorod a poursuivi sa politique habituelle. C’est donc dans cette ville que s’installe Alexandre Nevski. En tant que prince il doit résoudre les problème de la ville. A cette époque, un prince de Novgorod n’est pas un président de la Russie. Le Prince doit être attentif aux désirs des habitants. S’il mène une politique contraire aux intérêts de la ville, les habitants peuvent le chasser. Sa résidence même n’est pas dans la ville, mais à une heure à cheval du faubourg le plus protégé. Toutes les conditions étaient donc réunies pour que le prince n’ait pas le moindre confort, et fasse tous ses efforts pour satisfaire ses administrés.
Ainsi donc, Alexandre reçoit sans doute la ville la plus riche de l’époque. Mais le prince doit avant tout obéir à la volonté des Tatars, sinon les Tatars viendront à Novgorod et ce sera la fin de sa richesse; et par ailleurs, il doit s’occuper des affaires de la ville, à commencer par la guerre, non pas avec les Tatars, mais avec d’autres : les voisins du nord.
Dans la mesure où nous voulons mettre l’accent sur la fabrication du mythe d’Alexandre Nevski, je propose de lire le manuel d’histoire de Terminale.
Il n’y a pas le moindre doute : le manuel reflète la version officielle, vérifiée par la censure de l’Etat, et cela nous permettra de montrer comment on falsifie l’histoire et comment fonctionne la propagande dans la création des « images » du passé. Je veux au passage signaler que ce n’est en aucun cas une situation unique. Ce genre de « jeu » avec l’histoire se retrouve dans le monde entier, et nous parlons pour l’instant d’un sujet russe.
Parlons un peu de la figure de Nevski, de sa personnalité. nous reviendrons ensuite à Novgorod.
TEXTE 1
Commençons par l’image. Voici comment l’artiste, et l’état, représentent Nevski. Toutes ses autres représentations, portraits et sculptures se ressemblent énormément. Peau claire, visage slave, grands yeux. Il manque cependant un certain nombre de choses:
1.: Alexandre, pour 25%, a du sang polovtsien. Autrement dit, il a du sang « des steppes », par sa mère, la fille du plus célèbre khan polovtsien, Katyan.
2.: on ne trouve nulle part la confirmation de cette apparence. Aucune source ne décrit son aspect extérieur, on ne trouve rien qui puisse nous donner l’idée de son aspect réel.
Continuons la lecture du même texte, son surnom.
Alexandre n’a jamais été « Nevski » de son vivant. Ce n’est qu’au XIVe s. que l’on rencontre pour la première fois ce surnom, et en même temps le même surnom accolé à ses fils. « Nevski » désigne probablement le territoire des propriétés d’Alexandre et de sa famille, c’est à dire, près de la Néva. Quelque chose comme les Comtes de Bourgogne ou de Normandie.
Autrement dit ce surnom n’a rien à voir avec cette fameuse bataille de la Néva que l’on étudie à l’école comme l’un des événements les plus importants, un tournant, dans l’histoire du pays.
Venons-en aux événements.
Les auteurs du manuel, et la position officielle en particulier, nous inclinent à penser que nous sommes redevables à Alexandre des deux grandes victoires d’une importance extraordinaire : la Bataille du lac Peïpous et celle de la Néva.
Ainsi donc, les manuels scolaires présentent ces événements comme deux campagnes d’importance globale et fondamentale.
1240 La bataille de la Néva contre les chevaliers suédois, autrement dit contre des voisins (v. la carte).
1242 La bataille du lac Peïpous contre les chevaliers catholiques (teutoniques livoniens), autrement dit, eux aussi des voisins (v. la carte).
Essayons de considérer ces deux événements du point de vue historique, et de celui de la propagande. (V. le manuel)
On dit habituellement qu’Alexandre aurait fait un choix historique prophétique: il aurait choisi de se battre non contre le Joug tatar, mais contre l’agression catholique. Pour la position officielle, le mot clé ici est « catholique ».
Le fait est que l’état russe, son fondement et sa base, ce qui n’a jamais permis à la Russie « entre guillemets » - entre guillemets, parce que , au XIIIe s. Il n’y avait pas de Russie, il n’y avait que des principautés, de même qu’en France-, ce qui ne lui a
jamais permis de se désagréger ou de s’autodétruire à cause d’une agression extérieure, cet ingrédient secret, d’après l’Etat, c’est l’orthodoxie.
C’est cela qui a fait et fait de la Russie un pays original.
Et Alexandre, - partageant bien sûr, même au XIIIe siècle les valeurs de notre état du XXIe.-, sans hésiter, a choisi de lutter contre les catholiques, qui voulaient que les Russes entre guillemets (parce qu’il n’y avait pas de Russes au XIIIe s., de même qu’il n’y avait pas de Français!) adoptent leur foi, se soumettent à leurs lois, en un mot, ils voulaient les asservir. Et il a fait ce choix parce que les tatares gardaient une pleine neutralité envers la religion, ne poursuivaient ni les droits de l’Eglise en tant qu’institution, ni les simples croyants.
Cette lutte contre le catholicisme, l’état la considère plus largement comme une lutte contre l’occident. Bien sûr, il n’y a rien de commun entre les violeurs de l’Ordre des Chevaliers teutoniques, ou les Suédois et leurs vues impérialistes, et nos contemporains de l’UE, mais on n’en tient pas compte. Le but de cette page de manuel d’histoire est de montrer que l’Occident en tant que concept s’est toujours opposé à la Russie, rêvant de la conquérir et d’en faire son sujet.
La méthode la plus efficace pour atteindre ce but eût été la christianisation de la Russie selon le modèle catholique, c’est pourquoi l’orthodoxie, sa défense et la lutte pour sa cause constitue pour les auteurs du manuel et leur conception géopolitique la particularité unique de la « Russ », ce qui fait de ce pays la Russie.
C’est ce qui « donne aussi le « la » dans les relations entre occidentaux et russes; il faut dire que cette vision a été confortable en URSS comme dans la Russie contemporaine. Avec une légère correction : dans la Russie d’aujourd’hui, qui défend une « quasi-orthodoxie », la note religieuse est commode et utile, alors que l’URSS, pays athée, ne pouvait se permettre de parler d’orthodoxie en tant que base de l’Etat. Mais l’opposition à l’Ouest s’inscrivait parfaitement dans la logique des dirigeants soviétiques. Ce sont les historiens soviétiques qui ont fait de la bataille de la Néva, et du Lac Peïpous des événements fondateurs de l’histoire de la Russie.
A présent, parlons de la vérité historique des événements eux-mêmes
Comme nous l’avons déjà dit, les historiens soviétiques ont porté une attention particulière à ces batailles, alors qu'avant eux, on en parlait peu ou pas du tout. Pourquoi? Le fait est (v. la carte) que la principauté de Novgorod - il est important de d’insister sur ce fait -, c'est la principauté de Novgorod, en tant qu’acteur politique indépendant, et non pas toute la Russie, qui a mené ces guerres longues, on pourrait dire constantes, avec l'Ordre et avec les Suédois. Telle était la logique médiévale de la vie, normale et compréhensible, la vie quotidienne ordinaire.
Au cours des décennies de ces guerres entre voisins, il y eut de nombreuses batailles - souvent sanglantes - et de petites escarmouches; la bataille de la Neva dans le cas des Suédois, et la bataille du lac Peïpous dans le cas de l'Ordre - ne furent que deux parmi de nombreuses autres.
La Bataille de la Néva
Nous ne connaissons la bataille de la Neva qu’à partir d'une seule source : la première chronique de Novgorod. Rien ne confirme ou infirme le fait. Cet affrontement n'est pas enregistré par les sources suédoises, et on peut le comprendre : la bataille de la Néva n’a été qu’un épisode entre autres dans la confrontation entre Novgorod et la Suède. Soit dit en passant, ce n'est pas le plus grave, car à ce moment, les Suédois construiront la forteresse de Vyborg, puis sur le site de la bataille entre Alexandre et les Suédois à l'embouchure de l'Izhora, ils construiront la forteresse de Landskrona; c'est aujourd’hui une partie de la ville de Saint-Pétersbourg, district d'Izhora. C'est ainsi qu'Alexandre a protégé le monde entier!
Mais ces deux forteresses, bien qu'elles aient été construites, n'ont en fait joué aucun rôle, les Suédois ont été contraints de les abandonner un an et demi plus tard: impossible d’y vivre: conditions naturelles absolument monstrueuses, sans compter les attaques sans fin des Caréliens , Izhors, et Novgorod.
La Bataille du Lac Peïpous
La bataille sur la glace du lac Peïpous a bien eu lieu, le fait est confirmé par des sources historiques. mais il faut considérer également les détails. Tout d’abord, dans les versions officielles de l'État, il est dit qu'Alexandre s’est battu contre les chevaliers de l’Ordre pour libérer les terres russes, la ville de Pskov. Or, à cette époque, il n’y avait pas le moindre chevalier teutonique à Pskov. Il y avait en tout et pour tout deux « fogts », autrement dit des administrateurs, des fonctionnaires, parce qu’un accord avait été signé entre Pskov et l'Ordre. Je le répète, c'est une histoire féodale tout à fait normale, la ville de Novgorod est un organisme politique distinct complètement indépendant des autres principautés russes comme, du reste, la ville de Pskov, comme l'Ordre lui-même. Ils établissent des relations les uns avec les autres. Par conséquent, l'histoire selon laquelle Alexandre Nevsky est allé libérer la Russie des Chevaliers de l'Ordre est réellement une belle histoire. En outre, à cette époque, l'Ordre était déjà très affaibli par ses guerres avec la Lituanie, un autre voisin, et donc, le fait qu'Alexandre, selon la logique féodale habituelle, les attaque et gagne est évident. Il est également intéressant de noter qu'au cours des trois années qui ont suivi, une bataille vraiment sanglante a eu lieu entre Novgorod et l’Ordre, mais les historiens soviétiques choisissent la bataille de la Néva où vingt chevaliers sont morts et six ont été faits prisonniers, par et pour son point de vue idéologique dont nous avons déjà parlé.
Par ailleurs, le film d'Eisenstein a joué son rôle, nous en reparlerons plus tard. Il est difficile de croire aujourd’hui que, en regardant un film, l’on puisse penser que tout y est vrai; mais à ses débuts, le cinéma, en tant qu’art, était un moyen de propagande très efficace, et Eisenstein a montré la bataille du lac Peïpous, vraiment sur le lac. il a montré à quel point la cavalerie lourde, les Chevaliers de l’Ordre, se noient sous leur poids, l’effet produit est très fort. C'est ainsi que nous nous souvenons de cette bataille, d’après un film datant des années 30, alors qu'aucune source ne mentionne que le moindre chevalier se soit noyé sous les glaces du lac Peïpous.
C'est le produit de l’imagination de Sergei Mikhailovich Eisenstein, emprunté à des histoires sur d'autres batailles. Mais il est entré dans la chair et le sang des Russes, chacun a vu de ses propres yeux les Chevaliers teutoniques se noyer. Et à propos de l'agression catholique: l'Ordre des Chevaliers teutoniques avait certes d’autres soucis que celui de conquérir de nouveaux territoires; l'Ordre était affaibli par les batailles avec la Lituanie, avec les Estoniens et avec Novgorod.
La Bataille de la Néva et la Bataille du lac Peïpous ne sont qu'un épisode d'une longue guerre. Ces combats n'ont pas entraîné de campagnes militaires, ces escarmouches n'y ont pas mis fin. Mais grâce aux efforts des historiens russes, qui ont vu dans ces épisodes un bon moyen pour affirmer l’idée de la confrontation séculaire entre la Russie et l'Occident, la bataille de Neva et la bataille du lac Peïpous sont entrées dans les manuels d'histoire et sont devenues une partie importante de la propagande russe.
Ainsi donc, voici la base du mythe : deux batailles fatidiques en partie inventées - la bataille de la Neva et celle du lac Peïpous, choisies pour illustrer la confrontation Russie-Occident, catholicisme-orthodoxie.
Examinons maintenant de plus près comment et pourquoi exactement Alexandre Nevsky est devenu figure de propagande, sinon le numéro 1, certainement parmi les trois premières.
Ainsi Nevsky, d'une manière ou d'une autre, a toujours été une figure très commode pour les historiens au service de l'État, qui voulaient montrer soit la confrontation entre la Russie et l'Occident, soit souligner l'orthodoxie comme primordiale et principale caractéristique de l’État et de la culture russes.
Voyons les grandes étapes de la création du mythe d’Alexandre
Alexandre Nevski a été canonisé par l'Église orthodoxe russe à la cathédrale de Moscou en 1547. C’est-à-dire dans la première année du règne d'Ivan. Il est canonisé sous le métropolite Macaire, confesseur d'Ivan le Terrible.
1
Cette décision était probablement due à deux circonstances importantes. Premièrement, Alexandre Nevski était un ancêtre d'Ivan le Terrible, et il est très prestigieux d'avoir des saints dans son arbre généalogique. On a pris ce saint local et on en a fait un saint à l'échelle « de l’État ».
De plus, Ivan le Terrible lui-même aimait compiler et publier l’histoire des grands ancêtres. Ainsi, il pensait descendre de l'empereur romain Auguste. De plus, Ivan le Terrible, comme de nombreux princes avant lui, avait une tâche importante - l'unification des terres russes. Nous avons dit que la Russie n'était pas un pays unique, mais une multitude de principautés, dont certaines étaient généralement complètement et absolument indépendantes, par exemple Novgorod. L'orthodoxie a favorisé l’unification puisque tous les princes avaient tous la même foi. En général, ils ont agi selon ce schéma : ils ont vérifié quel saint était vénéré dans les différentes principautés, et ont fait de ce saint local un saint «d'État».
Alexandre Nevski était vénéré à Novgorod et il est donc entré sans problème dans le panthéon panrusse.
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En 1710, par décret de Pierre le Grand, la laure Alexandre Nevsky est édifiée sur les rives de la Néva. On peut comprendre la consécration du monastère dédié au saint prince Alexandre Yaroslavich Nevsky par ce que la Russie était alors engagée dans une guerre longue et sanglante avec la Suède. Le monastère a été érigé sur les terres conquises.
De plus, un Ordre de St-Alexandre Nevsky a existé dans l'Empire russe de 1725 à 1917. Créé par l’épouse de Pierre, Catherine 1, il a existé jusqu’à la révolution.
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Aboli en 1917 par la révolution en tant que relique de l'ancienne Russie, mais réapparu ensuite pendant la Seconde Guerre mondiale, il existe de 1942 à 1991. Fait intéressant : le profil de l'artiste Nikolai Tcherkassov, qui a joué le rôle d'Alexandre Nevski dans le film éponyme d'Eisenstein, est gravé sur la médaille. Et maintenant, nous allons parler plus en détail de ce film
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Le Film d'Eisenstein
Dans les années 1930, il y a un tournant en URSS, associé à une certaine révision de l'histoire. Avant, le patriotisme était considéré comme un phénomène purement bourgeois, l'histoire était présentée en fonction des antagonismes de classe, dans le cadre de la lutte des classes, et les éléments nationaux et patriotiques étaient sous-estimés, étouffés, voire ridiculisés.
Cependant, en raison des relations tendues entre l’Union soviétique et l’Allemagne, une nouvelle ligne apparaît dans l'historiographie soviétique, sur la lutte séculaire des Slaves contre l'expansion allemande (Drang nach Osten) et contre les envahisseurs étrangers en général, ce qui conduit à une attitude positive envers l’action d'Alexandre Nevsky et son inclusion dans le panthéon des héros soviétiques.
Eisenstein écrivait à propos de son futur film : « Le patriotisme est mon sujet. Nous voulons que notre film non seulement mobilise davantage ceux qui sont au cœur de la lutte contre le fascisme à l'échelle mondiale, mais aussi qu'il insuffle vigueur, courage, confiance à ceux parmi les peuples du monde qui pensent que le fascisme... est indestructible ... " . Selon lui, "l'horreur sanglante que les ordres chevaleresques des conquérants ont semée au XIIIe siècle" ressemble étrangement "à ce qui se passe actuellement en Europe
Désormais, l'image du film d'Eisenstein est fermement entrée dans notre conscience, nous jugeons donc toujours l'apparence ou le personnage d'Alexandre en fonction du scénario du film et non de la réalité. De plus, Eisenstein a rempli le film de détails divers, par exemple, la scène où les chevaliers suédois poursuivant les troupes d’Alexandre brisent la glace sous leur poids et tombent dans l’eau glacée pendant la bataille, ce sont ces détails dont se souvient l'écolier moderne, alors qu'en réalité, il n'y a pas non plus une seule source sur l'apparition du prince ou sur une description détaillée de la bataille elle-même.
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Selon les résultats d'une enquête à grande échelle auprès des Russes, le 28 décembre 2008, Alexandre Nevsky a été choisi comme "nom de la Russie ».
7
Par décision du patriarche de Moscou et de toute la Russie, Kirill, en 2016, Alexandre Nevsky a été choisi comme protecteur céleste des forces terrestres de la Fédération de Russie
Et pour finir,
nous avons déjà parlé de la fabrication du mythe Nevsky, de la façon dont son image est entrée dans la propagande soviétique et russe. Maintenant, je veux raconter simplement et brièvement quelques faits réels de sa biographie, c'est-à-dire montrer,
sinon la réalité - du moins son approche au plus près - de la figure d'un prince, sans le moindre ornement, sur la bataille de la Neva ou la bataille du lac Peïpous.
Au début de la conférence, nous avons dit que Nevsky était prince de Novgorod, et que Novgorod est une ville tout à fait originale et particulière.
Nevsky remplit les fonctions typiques d'un prince de Novgorod - il fait la guerre à ses voisins, contre la Suède et contre l'Ordre. Encore une fois, ce sont des affaires ordinaires, littéralement quotidiennes pour les habitants de Novgorod et leurs voisins. C'est précisément cette partie de son gouvernement que la propagande essaie de mythifier, et nous avons déjà vu comment.
Mais il y a aussi quelque chose que la propagande préfère oublier sans y toucher, à savoir la relation de Nevsky avec la Horde, alors qu'il est absolument impossible d'ignorer ces relations. Rappelons encore une fois que c'est avec le patronage de la Horde que Nevsky reçoit effectivement le trône de Novgorod.
Alors que cache la propagande ? Ou plutôt de quoi parle-t-elle, mais sur quoi n’aime-t-elle pas s’appesantir?
Nous savons que Batyi a donné Novgorod à Alexandre, mais Andrei a reçu le privilège du règne. Ensuite, se produit quelque chose de mystérieux : Batyi convoque Nevsky et dit qu'il lui transmet ce privilège, et pour qu'Andrei ne cherche pas à résister, il lui donne une autre armée et le charge de piller la principauté et effrayer son jeune frère. Que fait Nevski ? il accomplit volontiers la volonté de Batyi. A la tête d’une armée tatare, il envahit la principauté de son frère et y organise un véritable pogrom. Qui était l'initiateur de la campagne - Batyi ou Alexandre lui-même (pour le pouvoir) - cela reste un mystère.
Regardons notre texte (3)
Nous voyons que Batyi a donné le pouvoir à Alexandre, le favorisant pour une raison inconnue, de nous ou de l'auteur du manuel. Le frère d'Alexandre, Andrei, ne s'est pas soumis à cette procédure légale de transfert de pouvoir et a donc provoqué un soulèvement. Ici, il est important de souligner une fois de plus que celui qui était choisi par les khans mongols pour être le prince (grand-duc), et donc, de fait, Andrei est allé contre la volonté du khan et contre la loi.
Selon les auteurs du manuel, le soulèvement n'a pas été causé ni par le fait de la domination des Tatars en Russie, ni par la haine qu’on leur portait, mais par la volonté politique d'Andrei de rester au pouvoir. Comment la rébellion contre le khan aurait pu aider Andrei à garder l’investiture reçue des mains du khan pour régner, les auteurs du manuel ne posent pas la question. Et donc Alexandre entreprend une campagne sur les terres de son frère, tout simplement parce qu’il lui revient de sauvegarder la loi et l’ordre. Autrement dit, les auteurs du manuel décrivent cet
événement à travers le prisme des qualités de Nevsky, son désir d'ordre et de légitimité.
Et voici encore un épisode gênant pour la propagande. Depuis que Novgorod a reconnu le pouvoir de la Horde, il lui faut payer le tribut. Et pour qu’il soit collecté correctement dans les délais, il était nécessaire de procéder à un recensement de la population. Cela a été confié au prince. Cependant, la tentative de nouveau recensement de la population de Novgorod provoqua une véritable émeute dans la ville. Nevsky se retrouve donc devant un dilemme : obéir à la volonté des habitants de Novgorod et encourir la colère de Batyi, ou employer la force pour effectuer le recensement? Nevsky a choisi la seconde solution.
Et donc, Nevsky réprime le soulèvement de Novgorod contre les collecteurs de la Horde, ainsi que les habitants de Novgorod, très cruellement : coupant le nez de certains, crevant les yeux des autres, après quoi le recensement a pu être effectué. Autrement dit, en fait, Alexandre fait des efforts très sérieux pour s'assurer que les terres du nord-ouest de la Russie - que les hordes de Batyi n'avaient pas atteintes - reviennent à la Horde d’Or et leur rendent hommage. Ainsi, ce prince, canonisé par l’église, commet un acte incompatible avec la morale chrétienne.
Textes 4 et 5
Les auteurs du manuel, dans leurs commentaires, glissent rapidement et simplement sur cet épisode : Alexandre a réprimé le soulèvement. Il n'y a aucun détail ni évaluation pour cette acte. Mais par la suite, au sujet d’un autre soulèvement contre le recensement, - le soulèvement de 1262, avec lequel Nevsky n'a rien à voir,- les auteurs du manuel moralisent et évaluent. Ici, ils rappellent le mécontentement à l'égard du Joug tatar, et le fait que le recensement est contraire aux canons orthodoxes. Il s'avère que les auteurs du manuel savent décrire avec compétence les réalités de l’époque, mentionnant les lois de la foi orthodoxe, etc.
Mais ils le font non pas au sujet du recensement effectué par Alexandre, mais au sujet d’un recensement complètement différent qui n’a aucun rapport avec le Prince.
On constate bien qu’une contradiction apparaît entre l'image douce et mythifiée d'Alexandre et d'autres faits de sa biographie, laissés de côté par la propagande d'État depuis l'époque de l'URSS.
Александр Невский
Наверное, самый популярный из князей Древней Руси. И если верить результатам опросов среди населения, это самый популярный деятель русской истории вообще.
Связано это, наверное, в первую очередь с увековечиванием Невского в грандиозном фильме с одноименным называнием, в мировом шедевре, созданным Сергеем Эйзенштейном. Как известно, кино является важнейшим из всех искусств в эпоху масс, а также потрясающим пропагандистским инструментом. Именно поэтому сегодня наши представления о Невском связаны больше не с реальностью, а сего киновоплощением.
Эйзенштейн и государственная пропаганда вообще создали образ идеального князя, победителя над теми силами, которые угрожают Руси, князя - близкого к народу, доброго и в то же время достаточно жесткого. В общем, в массовом сознании это, действительно, идеальный политический тип, практически совершенное воплощения образа идеального политического деятеля. Но, правда, таким он был только у Эйзенштейна.
В действительности же, фигура Александра Невского окружена мифами и небылицами. И, конечно, главные небылицы – это именно те самые события, которые и сделали Александра Невского великим князем и историческим «любимцем» нашей пропаганды. Речь здесь идёт в первую очередь о двух битвах, о которых знает, без преувеличения КАЖДЫЙ, вообще каждый школьник. Это невская битва и ледовое побоище.
государственная пропаганда ставит эти сражения наравне с Бородином – во время компании против Наполеона или рядом с крупными сражениями с миллионными жертвами времен Второй Мировой войны. Почему пропаганда выбрала именно Невскую Битву и Ледовое побоище – именно с этим мы и постараемся разобраться
Но в начале немного контекста, для понимания событий вообще
Время Александра Невского это 13 век. Во Франции это период правления Людовика 9 Святого. Время крестовых походов, время реформ.
Перед вами вполне привычная картина ( см карту): множество феодальных княжеств. Почти как во Франции. Эти княжества с друг другом то воюют, то мирятся. В общем, нормальная средневековая жизнь. И тут со стороны востока приходят кочевые народы, прекрасно вооруженные с 20 летним опытом войны, к тому же, крайне замотивированные. Эти кочевые народы мы называем татаро-монголами. Они совершают несколько военных экспедиций на территории Руси. В 1230-ые года они иду на север Руси, где жгут дотла русские города, затем в сороковые годы идут на юг Руси, где занимаются тем же самым. Русские князья не дают эффективного отпора татарам. Всё потому что из-за этой нормальной средневековой жизни, князья накопили между собой массу противоречий и договориться о слаженных действиях против захватчиков было невозможно. Когда татары приходили во Владимир князь из Рязани радовался, потому что владимирский князь был его врагом.
Проблема в том, что татары потом приходили и к рязанскому князю и ко всем другим. Таким образом Русь попала в зависимость от татаро-монгол и была обязана платить дань. Кроме того, татаро-монголы назначали власть в русских княжествах. Каждый русский князь прежде чем стать князем должен был просить у татар разрешения. Именно такую картину застал Александр Невский во время своего девства и юношества. Привычный мир рушился. Мы ничего не знаем о сопротивлении Невского татарам или уж тем более о его отношении к происходящему. Но мы знаем, что отец Александра – Ярослав Всеволодович становится первым русским князем, который в достаточной мере сближается с захватчиками и даже добивается их доверия, а именно права на княжение при чем из рук того самого Батыя, который несколько лет назад полностью уничтожил десятки русских городов. Однако, что называется, вступить в должность Ярослав не успевает. Его находят мертвым во время его остановки в лагере татар. Таким образом, Батый решает отдать ярлык младшему сыну Ярослава - Андрею, а Александру Невскому - старшому брату достается Киев. Но Киев в это время находится в плачевном состоянии: еще до нашествия татар город был разорен самими же войсками древнерусских князей в рамках привычной междоусобной борьбы. Поэтому Александр поехал не в Киев, а в Новгород – всё равно – за ним особенно татары не следят. И вот именно в качестве Новгородского князя он и войдет в историю.
Тут важно сказать, что Новгороду очень и очень повезло вовремя нашествия. Татары разграбили юг и север (карта) Руси, но до Новгорода со своим карательным походом они не дошли – не хватало ресурсов, были проблемы с логистикой, плюс весна, а значит дороги размыло. Воспользовавшись шансом Новгород сам и добровольно признал зависимость от татар и стал платить дань. Таким образом, город не был разорён и смог продолжать заниматься привычными делами. К тому же, территориально Новгород находился в дали от других русских княжеств и имел с ними меньше контактов. В новгородском музее сохранились берестяные грамоты – по сути сообщения, смс жителей города тех времен. Если новгородец говорил о том, что ему предстоит поездка, например, в Москву он писал, «пойду в Русь», то есть Русь вообще рассматривалась как какое-то другое государство. Новгород был абсолютно сама цельной величиной и даже вовремя татарского завоевания продолжал ею быть. В том числе Новгород продолжал вести свою привычную политику.
Именно в такой город прибывает Александр Невский. Как князь он вообще-то должен решать проблемы этого города. В то время новгородский князь — это не российский президент. Князь должен был чуток к горожанам. потому что если его политика идёт в разрез с интересами города, новгородцы вполне и буквально могут выгнать князя. Даже резиденция те дом князя не была в городе, а располагалась в часе езды на лошади от самого укреплённого посада. в общем, в Новгороде были все условия чтобы князь чувствовал себя максимально некомфортно и старался услужить его жителям.
Итак, Александру достался, возможно, самый богатый город того времени. но князь должен был, во-первых, исполнять волю татар, потому что если нет, то татары точно дойдут до Новгорода и тогда его богатству конец. а с другой стороны надо было заниматься городскими делами. и в первую очередь войной. но не с тарами, с другими - северными соседями
Поскольку мы с вами делаем упор именно на мифологизацию образа Александра Невского, я предлагаю Вам обратится к школьному учебнику за 11 класс. Безусловно, школьный учебник является отражением официальной версии, верифицированной государственной цензурой, поэтому работа именно с таким текстом позволит нам показать и как фальсифицируется история, и как работает государственная пропаганда в создании «образов» прошлого. Так же замечу, что это ни в коем случае не уникальная ситуация. Подобное заигрывание с историей происходит во всем мире, просто мы сейчас говорим про непосредственно русский сюжет
Здесь мы немножко поговорим про саму фигуру Невского, про него как личность и снова подберемся к Новгороду
Первый текст
Сразу обратим внимание на изображение, предоставленное нам. Вот так, по мнению художника и государства выглядел Невский. Все прочие его изображения, портреты и скульптуры очень похожи между собой. светлое, славянское лицо, большие глаза. Есть только несколько упущений
1 Упущение: вообще-то Александр хотя бы на четверть, но половец. То есть в нем есть степная кровь, так как его мама была дочкой самого известного в истории половецкого хана Катяна.
2 Упущение заключается в том, что нет ни одного подтверждения того, что Александр выглядел именно так. Нет ни одного источника с описанием его внешности, нет ничего, что дало бы нам намек на реальный образ князя
Читаем далее тот же текст. про прозвище
При жизни Александр никогда не был «Невским». Только в XIV веке его упоминают впервые с этим прозвищем, а заодно упоминают с этим же прозвищем и его сыновей. Скорее всего этот предикат «Невский» обозначает территорию, где располагались владения Александра и его семейства – то есть в близи реки Невы. Это что-то вроде графов Бургундских или Нормандских. То есть прозвище ему было дано явно не в связи с той самой Невской битвой, которую в России все проходят в школе, в качестве одного из переломных и самых важных событий в истории страны.
Теперь подберемся к самим событиям.
Авторы учебника и государственная позиция в частности, указывает нам на то, что мы обязаны Александру двумя оглушительными и чрезвычайно важными победами – Ледовым побоищем и Невской битвой.
Итак, в российских школьных учебниках, эти события представлены как две глобальные и фундаментально значимые компании.
1240 Невская битва была против шведских рыцарей – иными словами против соседей. * см карту
1242 Ледовое побоище против рыцарей-католиков из Ливонского ордена – иными словами тоже соседей * см карту
Рассмотрим эти два события с точки зрения истории и с точки зрения пропаганды
У нас принято говорить о том, что Александр якобы совершил судьбоносный исторический выбор: он выбрал бороться не против Ига, но против крестоносной католической агрессии. Для государственной мысли здесь ключевое «католической».
Дело в том, что русское государство, его основа и его базис, то, что никогда не давало России в кавычках ( в кавычках, потому что в 13 веке никакой России не было. были просто княжества, как и во Франции ). распасться или самоуничтожится в результате внешней агрессии, этим секретным ингредиентом по мнению государства было православие. То, что делало и делает Россию по настоящему самобытной страной.
И вот Александр, он, конечно, даже из 13 века разделял ценности нашего государства века 21 и поэтому не задумываясь выбрал борьбу с католиками, которые хотели русских в кавычках ( потому что не было никаких русских в 13 веке, как не было и французов!) обратить в свою веру, подчинить, закабалить. Он делал этот выбор, поскольку татары нейтрально относились к религии и не ущемляли права ни Церкви как института, ни простых верующих.
Эта борьба против католичества рассматривается государством шире – как борьба против запада. Конечно, между полупьяными насильниками из Ливонского ордена или по-имперски настроенными шведами и современным евро союзом нет ничего общего, но это не принимается во внимание. Задачей этой страницы в школьном учебники истории показать – что Запад как собирательное понятие всегда противостоял Руси и всегда мечтал поработить ее, сделать ее своим предикатом. Самым эффективным методом было бы крещение Руси по католическому образцу, именно поэтому православие, его сохранение и борьба за него является в геополитической задумке авторов учебника той самой неповторимой особенностью России, которая делает ее Россией. Это же задает нужны камертон в отношениях между Западом и нами. Надо сказать, что такое видение вещей было удобно и в СССР, и в современной России. Есть лишь маленькая поправка
Если для современной России, которая защищает квазиправославие, эта религиозная нота является очень удобной и полезной, то, безусловно, СССР как страна атеистическая не могла бы себе позволить говорить о православии как о каком-то базисе для государства. Однако вот это противостояние Западу очень хорошо вписывалось в логику советского руководства. Именно
советские историки утвердили Невскую Битву и Ледовое побоище в качестве основополагающих событий для истории России.
Теперь, что касается историчности самих событий.
Как уже было сказано, особое внимание этим битвам придали советские историки, в то время как до них, о Невской битве или Ледовом побоище мало говорили или не говорили вообще. Почему? Дело в том ( смотрим на карту), что Новгородское княжество – и тут важно остановится, именно Новгородское княжество, как самостоятельный политический фактор, а не вся Русь вела длительные, можно сказать постоянные войны с Орденом и со Шведами. Это была абсолютно нормальная и понятная средневековая логика жизни, обычная повседневность. За десятилетия этих соседских войн случилось множество сражений – как вполне себе кровавых – так и мелких стычек, и вот Невская битва в случае со шведами и ледовое побоище в случае с орденом – это были просто одни из многочисленных сражений.
НЕВСКАЯ БИТВА
Невской битве мы знаем только из одного источника — это Новгородская первая летопись. Эти сведения ничем не подкрепляются. это столкновение не фиксируется шведскими источниками, и в принципе понятно почему: Невская битва была одним из эпизодов выяснения отношений между Новгородом и Швецией. это один из эпизодов. Кстати сказать, не самый серьезный эпизод, потому что потом шведы построят крепость Выборг, потом как раз на месте сражения Александра со шведами в устье Ижоры построят крепость Ландскрону — сейчас это территория города Санкт-Петербурга, Ижорский район. Вот так вот защитил всех Александр!
Но обе эти крепости, хоть и были построены, никакой роли фактически не сыграли, шведы вынуждены были бросить их через год-полтора: жить невозможно, природные условия совершенно чудовищные, плюс к этому бесконечные нападения карелов, ижоров, новгородцев.
ЛЕДОВОЕ ПОБОИЩЕ
то, что ледовое побоище было – подтверждают исторические источники. но вот, с остальным тоже приходится разбираться. во первых в официальных государственных версиях говориться, что Александр пошлел освобождать земли русские, город Псков от орденских рыцарей. в то время как во Пскове например в то время рыцарей даже не было. сидели только два фогта по сути управляющих, два чиновника. потому что у Пскова и ордена был заключён договор. Повторюсь, это совершенно нормальная феодальная история, город Новгород – это отдельный совершенно независимый от других русских княжеств политический организм. как и город Псков. как и сам орден. они сами выстраивают отношения друг с другом. поэтому сказка о том, что Александр невский пошёл освобождать Русь от рыцарей ордена – это действительно сказка. кроме того. в это время орден уже очень ослаблен своими войнами с Литвой – еще одним соседом, поэтому тот факт, чтоАлександр по той самой обычной феодальной логики нападает на них и выигрывает является очевидным. Интересно и то, что за три года для этого между Новгородом и орденом произошла действительно по настоящему кровавая битва. но советские историки выбирают именно невскому битву где погибло двадцать рыцарей и шестеро были взяты в плен, с идеологической точки зрения которой мы уже объяснили . кроме того, свою роль сыграл и фильм Эйзенштейна мы еще поговорим об этом. сложно поверить, чтобы сегодня люди смотрели кино и верили что все так и было, но в самом начале кино как искусство это был еще более эффективный метод пропаганды так вот Эйзенштейн показал битву на чудском озере действительно на озере. он показал как тяжелые конные воины – рыцари ордена тонут от свой тяжести. очень эффектно. именно так мы и помнили эту битву. по кинопленке 30-ых ? в то время как ни в одном источнике не упоминается, что кто-то из рыцарей утонул подо льдом Чудского озера.
Это фантазия Сергея Михайловича Эйзенштейна, заимствованная из рассказов о других сражениях. Но это вошло в плоть и кровь россиян, поскольку все видели своими глазами, что они тонули. И насчет католической агрессии. ордену меченосцев было, конечно, не до захвата новых территорий. Орден был ослаблен битвами с Литвой, с эстами и с Новгородом.
Невская битва и Ледовое побоище лишь эпизод в длительной войне. эти стыки не открывали военные компании , эти стычки их не заканчивали. Но именно стараниями советских историков, которые увидели в этих сражениях удобный повод для подтверждения своих идей о вековечном противостоянии Руси и Запада, Невская Битва и Ледовое побоище вошли в учебники по истории и стали значимой частью российской пропаганды
Итак, вот она, основа для мифологизации – две судьбоносные полувымшеленные битвы – Невская и Ледовое побоище. Выбраны они как иллюстрация противостояния России и Запада, католичества и православия
Теперь посмотрим чуть внимательнее как и почему именно Александр Невский стал пропагандисткой фигурой если не номер 1 , то явно вошел в топ три.
Итак, Невский так или иначе всегда был очень удобной фигурой для историков на службе у государства, желавших показать либо противостояние России и Запада, либо сделать упор на православии, как на основной и главной черте русского государства и культуры.
рассмотрим основные этапы мифологизации Александра
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Канонизирован Александр Невский был Русской православной церковью на Московском Соборе 1547 года. то есть в первый год царствования Ивана. Канонизирован при митрополите Макарии – духовнике Ивана Грозного.
Такое решение было принято скорее всего с связи с двумя важными обстоятельствами. Во-первых, Александр Невский был предком Ивана Грозного, а иметь в своей родословной святых – очень престижно. К тому же Иван Грозный и сам увлекался составлением и публикацией рассказов о великих предках. Так, он считал, что происходит от римского императора Августа. Во-вторых, у Ивана Грозного, как и многих князей до него, была важная задача – объедение русских земель. Мы же говорили, что Русь была не единой страной, но множеством княжеств, некоторые из которых вообще были полностью и абсолютно независимыми, например, Новгород. В деле объединения помогало православие – тк вера у всех князей была одна. В целом, действовали по такой схеме – смотрели в какой земле кого почитаю люди, брали этого местного святого и делали из него святого «государственного» масштаба. Александр Невский почитался в новгородской земле и потому без проблем вошёл в общерусский пантеон.
2
1710 по указу Петра первого на берегах Невы строится Александро-Невская лавра. Посвящение монастыря святому князю Александру Ярославичу Невскому объяснялось тем, Россия находилось в длительной и кровопролитной войне со Швецией. Монастырь был воздвигнут на отвоёванных землях
Кроме того, В Российской империи с 1725 года по 1917 год существовал орден Святого Александра Невского. То ест Орден был учрежден женой Петра – Екатериной 1 и существовал до революции.
3
Революцией орден был отменен – как пережиток старой России, но в последствии во время Второй Мировой Войны – появился снова и существовал с 1942 года по 1991 год. Что интересно на орден было помещено профильное изображение артиста Николая Черкасова, исполнившего роль Александра Невского в одноимённом кинофильме Эйзенштейна. И вот тут мы с вами поговорим об этом филе подробнее.
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Фильм Эйзенштейна
В тридцатые годы в СССР наметился разворот, связанный с некоторой ревизией истории. Дело в том, что ранее патриотизм рассматривался как сугубо буржуазного явление, история была представлена в русле классовых антагонизмов, в рамках борьбы этих классов, а национальные и патриотические элементы недооценивались, замалчивались и даже высмеивались.
Однако ввиду напряжённых советско-германских отношений, в советской историографии стала проводиться линия о вековой борьбе славян против немецкой экспансии (Drang nach Osten) и вообще против иноземных
захватчиков, что обусловило положительное отношение к деятельности Александра Невского и включение его в пантеон советских героев.
Эйзенштейн так писал о своём будущем фильме: «Патриотизм — моя тема. Мы хотим, чтобы наш фильм не только ещё больше мобилизовал тех, кто находится в самой гуще борьбы против фашизма в мировом масштабе, но чтобы он вселил бодрость, мужество и уверенность и в те части народов мира, которым кажется, что фашизм … несокрушим…». По его словам «тот кровавый ужас, который в XIII веке сеяли рыцарские ордена завоевателей» почти неотличим «от того, что делается сейчас в Европе
В дальнейшем, именно образ из фильма Эйзенштейна прочно вошел в сознание, так мы до сих пор судим о внешности или о характере Александра исходя из сценария фильма, а не реальности. Кроме того, Эйзенштейн насытил фильм различными подробностями, например, шведские рыцари во врем битвы провалились под лед, именно эти детали и запоминает современный школьник, в то время как в реальности, нет ни одно источника ни о внешности князя, ни о подробном описании самой битвы.
5
В 2007 году по благословению патриарха Московского и всея Руси Алексия II мощи святого в течение месяца перевозили по городам России, Латвии и Болгарии, таким образом фигура Невского создавало совершенно особенное политическое пространство на основе общей веры прихожан.
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По результатам широкомасштабного опроса россиян 28 декабря 2008 года Александр Невский был выбран «именем России»
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Решением Патриарха Московского и Всея Руси Кирилла в 2016 году Александр Невский определён небесным покровителем Сухопутных войск Российской Федерации
Ну и напоследок, мы уже поговорили о мифологизации Невского, о том, как его образ стал частью советской и российской пропаганды, теперь хочется просто и кратко рассказать какие-то реальные факты его биографии, то есть показать если не реальную, то более к реальности близкую фигуру князя без всей это шелухи о Невской битве или ледовом побоище
В самом начале лекции мы с вами сказали, что Невский был князем в Новгороде, что Новгород - это совершенно особенный и очень сообразный город. Невский выполняет типичные функции новгородского князя – он ведет войну против соседей. Против Швеции и против Ордена. Еще раз – это совершенно рядовые, обычные, буквально повседневные дела новгородцев и соседей. Именно эту часть правления пытается мифологизировать пропаганда и мы с вами уже посмотрели, как именно.
Но есть и то, что пропаганда трогать и вспоминать не любит - а именно отношения Невского с ордой. в то время как игнорировать эти отношения совершенно нельзя. Напомним еще раз, именно с протекции орды невский вообще получает новгородский престол.
Итак, что же замалчивает пропаганда. Вернее, что она проговаривает, но на чем не любит останавливается
Мы помним, что Батый дал Александру Новгород, а вот ярлык на великое княжение получил Андрей. Далее происходи загадочная вещь. Батый вызывает Невского себе и говорит, что передает ярлык ему, а что бы Андрей вдруг не начал сопротивляться дает еще войско и директиву хорошенько все разграбить и напугать в княжестве младшего брата. что делает Невский? он охотно исполняет волю Батыя. Во главе с татарским войском он вторгается в княжество брата и устраивает там самый настоящий погром. Кто был инициатором похода – Батый или сам Александр (ради власти) – остается загадкой.
Посмотрим на наш текст ( 3)
Мы читаем о том, что Батый отдал ярлык Александру, поскольку благоволил к нему по каким-то неизвестным ни нам, ни автору учебника причинам. брат Александра – Андрей не подчинился этой законной процедуре передачи власти и потому поднял восстание. Тут важно еще раз подчеркнуть, что великим князем назначался тот, кого выбирал монгольских хан, то есть по факту наш Андрей пошел против воли хана и против закона. По мнению авторов учебника, восстание было вызвано не засильем татар на Руси и не ненавистью к ним, но политической волей Андрея остаться у власти. Как бы восстание против хана помогло бы Андрею получить из рук хана ярлык на княжение – этим вопросом авторы учебника не задаются. И вот наш Александр он совершает поход в земли брата, просто потому что в его обязанности входит блюсти закон и порядок. То есть авторы учебника показывают нам это событие через призму положительных качеств Невского – его стремлению к порядку и легитимности.
Еще один неприятный для пропаганды эпизод. Поскольку Новгород признавал власть Орды, он платил дань. а чтобы дань была собрана точно и в срок нужно было провести перепись населения. Это возлагалось на князя. Однако попытка переписать новгородцев вызвала в городе настоящий бунт. Перед невским снова стала дилемма. подчиниться воли своих новгородцев и навлечь гнев Батыя? или силовым путем всех переписать. Невский выбрал второе
Итак, Невский подавляет восстание в Новгороде против ордынских численников, причем расправляется с новгородцами очень жестоко: одним носы урезал, другим глаза выколол, после чего перепись была проведена. То есть фактически Александр прилагает очень серьезные усилия к тому, чтобы северо-западные русские земли, до которых полчища Батыя не дошли, вошли в состав Улуса Джучи и начали выплачивать дань. К тому же канонизированный церковью князь совершает совсем не христианский поступок
см текст 4-5
Итак, этот эпизод авторы учебника комментируют быстро и просто – Александр восстание подавил. Нет никаких подробностей или оценок этому действию. Зато потом мы читаем о другом восстании против переписи – восстании 1262, к которому Невский уже не имеет никакого отношения и вот тут авторы учебника и пускаются в морализаторство и ставят свои оценки. Здесь они вспоминают про недовольство людей Игом, и про то что перепись противоречит православным канонам. Получается, что авторы учебника действительно грамотно описывают реалии тех лет, упоминают законы православной веры и пр. Но вот только делают они в отношении не той переписи, которую проводил наш князь, а в отношении совсем другой переписи к нему не относящейся.
Тут, конечно, и возникает некоторое противоречие между елейным и мифологизированным образом Александра и другими фактами его биографии, игнорируемые государственной пропагандой со времен СССР.
CONFÉRENCES - ДОКЛАДЫ
Pierre le Grand et ses réformes militaires
Lubov Silantyeva
Военные реформы Петра Великого
Докладчик : Любовь Силантьева
Liuba est une jeune historienne, venue récemment nous rejoindre pour une série de conférences sur l'histoire de la Russie. Nous avons tous été séduits, et nous attendons le prochain sujet avec impatience!
Vous trouverez ci-dessous le texte en russe (original) et en français de sa première intervention le 15 avril 2022
COMMENT A-T-IL PU ATTEINDRE CE RÉSULTAT ET QU’A-T-IL FAIT PRÉCISÉMENT ?
Il existe à ce sujet quantité d’explications et d’études qu’aucun d’entre nous ne pourrait parvenir à lire en entier. Je vous propose donc une approche inhabituelle de cette période : les réformes militaires qui ne représentent certes qu’une des lignes de son activité. Mais, à mon avis, ce sont elles qui ont dé terminé les autres, et je vais essayer de le montrer et le démontrer.
D’abord, quelques dates et chiffres. Le règne de Pierre dure de 1682 à 1725.
En 1682, Pierre est encore très jeune et ne pense guère aux affaires de l’Etat. Pour cela, il y a son entourage. C’est à dire des boyards en grand nombre ; leur but : conserver ce qu’ils possèdent en le multipliant, et voler discrètement ; et c’est aussi la demi-sœur aın̂ ée de Pierre et son demi-frère : de facto, c’est cette sœur, Sophie, de jure - la « régente », et Pierre et son frère - les « tsars ». De facto également, Sophie est cultivée, passionnée, pragmatique, la préférée de son père, et elle tient fermement le pouvoir, ses frères devant compter avec elle. Entre autres, Pierre. Il est plutôt occupé par ses problèmes d’adolescent. Il se distrait loin de Moscou avec ses amis. Quels sont donc ces amis d’un tsar ? En règle générale ce sont ses serviteurs. Il imite avec eux des combats navals : construit de petits navires, les lance dans les eaux du lac et imite le combat. Un autre de ses plaisirs : (The All-Joking, All-Drunken Synod of Fools and Jesters). De fait, de nos jours, ce serait une sorte de soirée avec tout le faste d’un roi, avec boissons alcoolisées et discussions sur la politique et la religion. Soit dit en passant, ces jeux trouveront bientôt leur place dans la lé gislation russe (armée, soirées, athéisme). Très vite Pierre cessera de « jouer à la réalité » et il va entreprendre les premiers pas nécessaires pour prendre le pouvoir. Il décide de se marier (à l’époque, seul un homme marié était considéré comme adulte), il capte la sympathie des boyards et enferme en 1689 sa sœur Sophie dans un monastère.
Revenons maintenant aux mathématiques.
1689-1725 sont les années du gouvernement réel de Pierre, en tout, 36 ans. Durant ces années, on compte 28 ans de guerre.
Ce sont ces années qui vont transformer totalement la Russie.
Pierre le Grand et les réformes militaires
Avant de répondre à la question de savoir ce qui a changé en Russie, il faut se demander, pourquoi il fallait changer quelque chose. Question simple et complexe à la fois. A ce sujet, rappelons-nous le rôle de l’individu dans l’histoire. Sans aucun doute, sans le désir profond et passionné de changements chez Pierre, tout le reste aurait été inutile. Un exemple frappant : la création de l’une des plus grandes cités du monde, Saint-Pétersbourg, évènement peu courant pour le 18e siècle. Peut-on aujourd’hui imaginer que quelqu’un crée une ville gigantesque, et en fasse la capitale. D’autant plus au 18e siècle !
Et encore, les voyages de Pierre dans sa jeunesse. J’ignore si l’un d’entre vous a entrepris un voyage aussi long, 2-3 ans, et si oui, vous pouvez comprendre à quel point cela peut changer quelqu’un. Pierre lui aussi a changé. Il est parti en Europe incognito. Il existe autour de cela bien des légendes : Pierre aurait bavardé avec des gens simples, vé cu avec des misé reux. Tout cela est sympathique, mais peu vraisemblable. Ce qui compte, c’est qu’il a vu de ses yeux les succès de la science et des techniques occidentales. Et il a été fort intéressé !
Il étudie attentivement le processus de la construction des navires, travaille comme matelot, estime au plus haut point ce que font les anglais et les hollandais.
Il passe aussi en France. Louis XIV lui offre un manuel de géométrie. Ce livre est actuellement conservé à St-Pétersbourg en parfait état, à tel point que je pense que Pierre ne l’a jamais lu. Néanmoins, le fait d’avoir choisi ce cadeau dit bien quels étaient les centres d’intérêt de Pierre.
Il faut dire aussi qu’un tel voyage était extraordinaire à cette époque. Jusqu’à Pierre la Russie était totalement isolée non seulement de l’Europe, mais du reste du monde aussi. On n’entendait personne parler russe en Hollande ou au Portugal pour la simple raison que la Russie n’avait pas de flotte.
Il ne faut pas oublier non plus que la Russie a vécu près de deux siècles pratiquement en captivité : le joug mongolo-tatar que nous n’aurons pas le temps d’approfondir aujourd’hui. Et ensuite Ivan le Terrible et ses « opritchniks », puis le « Temps des troubles ». On n’avait guère le temps de voyager. Pierre rentre d’Europe en Russie, entièrement décidé à y réaliser tout ce qu’il a vu en Europe. Il ne s’agit pas bien sûr du modèle politique, mais des sciences et des techniques. C’est cette passion de Pierre et sa connaissance des succès occidentaux qui seront le point de départ des réformes.
Nous concentrerons donc notre attention sur les réformes militaires qui constituent le point de départ de toutes les autres. Les 28 années de guerre menées par Pierre ont eu une influence considérable ; de plus, les réformes ne découlent pas seulement d’un besoin utilitaire, mais aussi des désirs et des efforts du tsar lui-même. Encore nous reste-t-il à répondre à la question : pourquoi des guerres étaient-elles nécessaires à la Russie et à Pierre. Pourquoi 28 ans de tension de toutes les ressources ?
Il nous faut faire une rapide excursion historique et regarder la carte. Rappelons les deux cents ans de joug mongolo-tatar. L’empire mongol est un immense empire qui touche à sa fin. Il est divisé en plusieurs khanats. Et dès avant le règne de Pierre, la Russie les a annexés les uns après les autres : Kazan, Astrakhan, etc. La question du khanat de Crimée n’était pas réglée lorsque Pierre apparaıt̂ sur la scène. Les Tatars de Crimée refusant de se soumettre à Moscou, se tournent vers le protectorat de la Turquie, état musulman et de plus, lointain, et donc de fait, les tatars pouvaient compter ê tre livrés à eux-mêmes. Et là surgit un problème. Comment combattre les tatars de Crimée si une guerre avec eux devient automatiquement une guerre avec les turcs. Mais cette guerre était nécessaire. Premièrement pour des raisons de légitimité historique, argument fort important au XVIIIe siècle ; deuxièmement, argument pratique, à cause des incursions répétées des tatars et les pillages des villages ; enfin, troisièmement, par tradition familiale. La sœur de Pierre, Sophie, avait déjà entamé des guerres contre les tatars. Et quatrième raison : la mer, ou plutôt l’accès à la mer, c’est à dire à des richesses importantes, les voyages commerciaux par voie maritime étant plus rapides et plus sûrs. Mais il n’était pas aisé de guerroyer : derrière le khanat de Crimée, il y avait la Turquie, Turquie du XVIIe s., une superpuissance, presque comparable à la Chine ou aux USA d’aujourd’hui. Et la Russie n’avait ni flotte, ni armée digne de ce nom.
Lors de ses voyages à travers l’Europe, Pierre a « sondé » le terrain. Autrement dit, il cherchait des alliés contre la Turquie, puisqu’il ne pouvait engager seul une guerre. De plus, il n’y avait en Europe guère de pays désireux d’entrer en guerre contre une Turquie forte, mais les européens proposèrent à Pierre une alternative. En effet, un grand nombre d’entre eux étaient inquiets de voir la Suède pratiquement maîtresse unique de la Baltique. La Finlande et les pays baltes d’aujourd’hui, et même une partie de la Pologne présentaient pour
Suède un intérêt particulier. C’est ici que l’esprit aventureux de Pierre s’affirma. Il décida de reformater toute la politique extérieure, et de marcher non pas sur l’est contre la Turquie, mais sur l’ouest contre la Suède, et de mener les combats non pas pour la Mer Noire,
mais pour la Baltique.
Maintenant que nous connaissons les causes, il est temps de parler de ce qu’ont entrainé la guerre et les réformes militaires, et quelle influence cela a-t-il eu sur le pays tout entier.
Notre « point » de départ : l’armée.
Pierre comprenait parfaitement que la Russie ne possédait pas l’armée nécessaire pour combattre la Suède. La défense des frontières du sud-est contre polonais et tatars, ne pouvait donner à la Russie une expérience pertinente pour résister à un puissant état européen qui savait se battre selon les principes et les règles d’une tactique linéaire. L’armée suédoise à cette époque est l’armée la mieux développée en Europe. Et pour lutter avec elle é taient né cessaires un autre entraın̂ ement, une autre expé rience, une autre stratégie. Pierre se consacra à la formation d’une armée conforme aux modèles et aux principes de l’Europe, et cette décision amorça toutes les autres.
Maintenant que nous connaissons les causes, il est temps de parler de ce qu’ont entrainé la guerre et les réformes militaires, et quelle influence cela a-t-il eu sur le pays tout entier. Notre « point » de départ : l’armée.
Pierre comprenait parfaitement que la Russie ne possédait pas l’armée nécessaire pour combattre la Suède. La défense des frontières du sud-est contre polonais et tatars, ne pouvait donner à la Russie une expérience pertinente pour résister à un puissant état européen qui savait se battre selon les principes et les règles d’une tactique linéaire. L’armée suédoise à cette époque est l’armée la mieux développée en Europe. Et pour lutter avec elle étaient nécessaires un autre entraÎnement, une autre expérience, une autre stratégie. Pierre se consacra à la formation d’une armée conforme aux modèles et aux principes de l’Europe, et cette décision amorça toutes les autres.
LA TRANSFORMATION DU STATUT DES PAYSANS
Que fait Pierre ? Premièrement, une armée régulière : avant son règne, seuls les nobles servaient dans l’armée, mais pas continuellement, ils ne s’armaient que pour une campagne, et cela est important, pour le droit de posséder la terre. De fait, cela signifiait : premièrement, armée réservée exclusivement aux nobles, deuxièmement, la possibilité de servir, à la condition d’avoir maison, terre, paysans et tous les plaisirs de la vie ; à l’inverse, tout cela était perdu.
Pierre a cassé ce système. Il imite les autrichiens en recrutant, ce qui veut dire de fait : tout propriétaire terrien, noble - donc propriétaire de la terre - n’est pas tenu d’aller servir dans l’armée, mais il doit fournir pour le service militaire 1 homme par village ; de plus, il doit équiper sa recrue de tout ce qui lui est nécessaire : vêtements, provisions, etc.
Ces « heureux élus » devenaient des soldats de l’armée régulière de Pierre. La bonne nouvelle pour eux était qu’à peine devenus soldats, ils n’étaient plus des serfs; mais leur service était à vie.
Toutes ces mesures visaient à créer une armée professionnelle et surtout régulière,
qui se distinguerait par son organisation « titulaire, créée par législation,
qui supposait un armement type, un uniforme, un entraînement et un système centralisé de gestion et de ravitaillement ».
Comme l'Europe, mais en mieux.
NOUVEAU STATUT DE LA NOBLESSE
La réforme militaire entraine une nouvelle situation pour la noblesse. La littérature russe du XIXe siècle présente une image du noble paresseux et inoccupé. Cependant nous avons dit tout à l’heure que le noble est avant tout un soldat, qui sert son roi par l’épée. De plus, servir dans l’armée n’est pas si terrible que perdre tout ce qu’on possède ! Que s’est-il donc passé ? Comment les guerriers ont-ils pu devenir une caste de fainéants, tels que les représentent les classiques de la littérature russe ?
Revenons donc au principe qui dit : tant que tu me sers, tu conserves tes biens (la terre), dès que ton service est fini, c’est un autre noble qui en hérite.
Ce système a fait long feu à la fin du XVIIe et Pierre l’a bien vu. Les régiments nobiliaires étaient mal organisés et peu disciplinés, c’est pourquoi l’armée professionnelle les a remplacés. Autrement dit, la réforme militaire a non seulement touché directement et transformé le statut, mais aussi la vie des nobles. Le pays n’avait plus besoin de leurs services militaires. Cependant, retirer la terre aux nobles, terre qu’autrefois on ne pouvait acquérir qu’en récompense pour le service, Pierre renonça à le faire. Surtout parce qu’un con@lit avec la noblesse, c’est à dire l’élite, aurait été un suicide politique. Pendant le Temps des Troubles tout proche encore, le sort et la duré e de celui qui détiendrait la « couronne » dépendait des nobles ; la dynastie des Romanov venait à peine d’asseoir son pouvoir et, si personne ne cherchait à la mettre en doute, un conflit ouvert avec la noblesse n’aurait certes pas affermi les positions du jeune tsar. Peu à peu, la terre était devenue propriété transmissible par héritage. Pierre confirma ce statut en 1714, lorsque le tsar reconnut officiellement la terre comme appartenant à la noblesse.
Ce que la guerre et les réformes militaires ont donné de fait aux nobles, c’est la terre, la ressource principale à cette époque, bien plus importante que l’argent.
En même temps, Pierre interdit la parcellarisation des terres et instaure l’obligation d’héritage à l’aîné des fils, ce qui pousse les plus jeunes à trouver d’autres activités, notamment la fonction publique ou l’armée.
L’APPAREIL ADMINISTRATIF
Il ne suffit pas de créer une armée, il faut l’administrer, la nourrir, contrôler le recrutement, les actions militaires, les finances. L’apparition d’une armée régulière induit son administration, son ravitaillement, le contrôle des campagnes militaires, des finances. La simple création d’une armée régulière fut le prologue d’une énorme machine bureaucratique. C’est elle qui a ensuite proposé des postes aux puînés de la noblesse.
Sous le règne de Pierre une grandiose réforme administrative donne naissance aux Collèges, ancêtres des ministères. Ce fut un acquis important pour le rétablissement de l’ordre. Il existait auparavant ce que l’on appelait « prikaz », des organes du pouvoir chargés littéralement de tout et du reste. En faisant une analogie simpliste : prikaz = collège = Ministère, on peut dire qu’il y avait, avant Pierre, près de 80 ministères (prikaz), tels la poste, l’artillerie, le Ministère de Kazan, du (blé) (pain), des chevaux, et même de la couche du tsar, chargé de la propreté de la chambre à coucher du tsar. Pierre en supprime une partie, regroupe une autre partie et crée finalement 12 collèges chargés des finances, de la flotte, de l’armée, etc. Entre autres, il y avait également un Collège de l’Eglise ; ainsi, sous le règne de Pierre, l’Eglise se transforme de facto en un organe bureaucratique d’Etat.
Tout cela fut fait en priorité pour contrôler et diriger
un énorme mécanisme militaire. Il convient d’ajouter que le système bureaucratique avait d’énormes avantages. En effet, tout homme libre, pouvait faire carrière. Tous les anciens « prikaz » étaient dirigés bien sûr par des nobles. A présent Pierre donnait la possibilité à tout homme libre d’acquérir la noblesse. De fait, afin d’encourager le travail, entre autres pour les besoins de l’armée, Pierre permit de donner à tout homme libre le statut de noble par obtention d’une fonction au cours de sa carrière. Tout cela fut confirmé dans « la Table des Rangs », document réglementant la hiérarchie du service.
Ainsi, Pierre contraignait nobles et non nobles au service, sinon dans l’armée, du moins dans la fonction d’Etat.
Certes, les nobles n’étaient pas satisfaits de la perspective de devoir débuter
une carrière côte à côte avec un campagnard non noble, miséreux, citadin ou paysan ; si bien que pendant tout le XVIIIe siècle après le règne de Pierre, ils vont se battre pour leurs privilèges, mais ceci est une autre histoire.
LES TRANSFORMATIONS DANS LE COMMERCE
Les réformes militaires ont donc agi sur la situation des nobles, sur celle des paysans, sur le système administratif. Mais il reste une chose qui aurait été impensable sans ces réformes : la flotte. En quoi cela est-il important ?
Le contrôle de la Baltique, conquis par la guerre, offre à la Russie des possibilités commerciales et politiques sans précédent. Il ne faut pas oublier que, avant Pierre, la Russie n’avait d’accès à la mer que dans la Région d’Arkhangelsk où la navigation n’était possible qu’en été, et dont la situation géographique n’assurait à la Russie que le commerce avec l’Angleterre.
La flotte, dont on cherche traditionnellement la source dans les jeux du jeune Pierre sur le lac Pletcheev, fut l’atout qui fit, politiquement et économiquement, de la Russie un empire.
La mer Baltique devient pour la Russie ce que nous appelons « la fenêtre sur l’Europe ».
Pierre était partisan de l’échange des marchandises, il avait commandé la traduction du « Lexique du Commerce » de Jacques Savary, et il poursuivait deux tâches essentielles : produire à l’intérieur du pays tout l’indispensable et vendre le maximum à l’étranger. Pierre édite en 1724 un oukaze de mesures protectionnistes, augmente le pourcentage d’export par rapport à l’import. La Russie exporte le miel, la cire, les fourrures, le lin, le chanvre, le lard, le bois de construction, etc. On importe en Russie les produits finis que les manufactures russes n’étaient pas en mesure de fabriquer.
Pierre voulait aussi transformer Saint-Pétersbourg en capitale commerciale de la Russie. Par contre, le succès de Saint-Pétersbourg coûta un dédommagement au port d’Arkhangelsk dont le rôle commença à diminuer. Pierre fit transférer autoritairement à Saint-Pétersbourg toute l’activité commerciale avec les partenaires étrangers, ce qui causa bien de mécontentement. Pétersbourg n’était pas une ville conçue pour les marchands, y venir é tait dangereux et coû teux. Cependant un oukaze en 1718 oblige à déplacer tout le commerce du blé à Saint-Pétersbourg. Il fallut alors résoudre le problème du transport du blé dans les autres parties de la Russie. Les avantages du transport fluvial étaient évidents, et Pierre fit construire des canaux. Le système de canaux de Vichni-Volotchok reliait Pétersbourg aux régions de Tver,Yaroslavsk, la Volga à la Néva. Fut aussi construit le canal de dérivation du lac Ladoga. Encore une fois, la voie des eaux pour le commerce était la plus avantageuse : moins coûteuse, plus rapide et plus sûre. Tout cela fut possible grâce à l’apparition d’une flotte.
LES TRANSFORMATIONS DU SYSTÈME DES FINANCES
Les guerres menées par Pierre ont dicté une nouvelle réalité à la Russie. Pierre ne pouvait se limiter à la création de l’obligation au recrutement pour obtenir des succès militaires. Outre l’existence même d’une armée régulière, cette obligation (le recrutement) sous-entendait son entretien. Pour augmenter les revenus il fallait avant tout définir qui serait soumis à l’impôt (i.e. compter le nombre de personnes soumises à l’impôt).
Pour ce faire, Pierre utilisa une procédure bien connue : le recensement de la population. Il a été exécuté sous le contrôle des collèges (= ministères) afin de n’oublier aucune personne imposable, chaque « âme soumise à l’impôt », y compris après sa mort (il est évident que dans ce cas, c’est la communauté qui payait), c’est à dire jusqu’au recensement suivant, ce qui permettait à l’Etat d’encaisser l’impôt, y compris celui des « âmes mortes ». En outre, le recensement a permis de rattacher aux propriétaires terriens les hommes libres, qui n’appartenaient à aucune catégorie, et ne figuraient ni dans les actuaires, ni dans les listes de recensement. Il s’agissait généralement de serviteurs auxquels on avait octroyé la liberté, ils n’avaient aucune obligation envers l’Etat et étaient artisans ou contractuels. Un oukaze de Pierre fit « diriger sur Preobrajensk les paysans libé ré s ou libres, ceux reconnus comme aptes au service devaient ê tre engagés dans l’armée », et les autres, donnés aux propriétaires terriens chez qui ils seraient recensés. Les recensements avec l’impôt généralisé introduit par Pierre 1er en 1724 remplirent le Trésor, mais augmentèrent le nombre de serfs et alourdirent leur asservissement. Il faut dire aussi que les nobles et le Clergé ne payaient pas d’impôt. Seuls les paysans et les marchands portaient tout le poids des finances.
LES TRANSFORMATIONS DANS L’INDUSTRIE
Pratiquement toutes les entreprises de Pierre : création de la flotte, développement du commerce, création d’une armée régulière, de l’artillerie, etc., dépendent du développement de l’industrie. Tout est très simple : pour construire un navire ou fabriquer un canon il faut des matériaux et des fabriques (manufactures). Dans la mesure où bâtiments et canons étaient indispensables à la Russie, l’industrie se développa à grande vitesse.
Pour commencer, une large campagne d’exploration des ressources minières commença. On engagea tous les volontaires, y compris des étrangers. De manière générale, Pierre attira en Russie de nombreux européens, qui, reconnaissons-le, reçurent non seulement reconnaissance et travail, mais aussi de bonnes, très bonnes compensations. En parallèle, on préparait « des cadres locaux » en les envoyant faire des études à l’étranger.
Des usines furent créées au bord de la mer Blanche pour l’artillerie. Pour des besoins plus quotidiens furent ouvertes des usines de fabrication de ruban, de lacets, et de laine. Des régions entières furent consacrées à la métallurgie : Toula, Lipetsk, Voronej. L’une des compagnies les plus actives se développa dans l’Oural. Dans des délais très courts on vit apparaıt̂re plusieurs entreprises : 2 à Neviansk, à Kamensk, Oktoussk et Alpatiev. L’industrialisation allait bon train : de 1695 à 1725 sont nées plus de 200 manufactures. L’Etat s’implique activement dans l’économie, favorisant certaines branches, et laissant de côté certaines autres. C’est bien la guerre qui dicte le développement de l’industrie.
Certes, Pierre préférait confier cette mission soit à un spécialiste reconnu, soit à ses amis. En général, tout en donnant la possibilité à tous les hommes libres de faire carrière, il ne dédaignait pas le népotisme et soutenait ses amis même s’ils mettaient volontiers la main sur le Trésor. Ainsi par exemple en 1702 il confie à Demidov une usine et le territoire environnant : un exemple sans précédent de don d’une usine d’Etat à un particulier, que l’on ne reverra dans l’histoire russe qu’après la chute de l’URSS dans les années 90.
Encore quelques mots sur l’état réel des choses dans les usines et chez les ouvriers.
Les ouvriers venaient d’horizons les plus divers. Ce pouvait être des fuyards, des mendiants, parfois des criminels, tous étaient enrôlés dans les usines. Il y avait relativement peu d’ouvriers libres, il fallait donc chercher d’autres ressources ; il arrivait souvent qu’un fabricant attire à son service les ouvriers d’une autre usine. Cependant le problème « ouvrier » ne fut pas totalement réglé. En 1721, Pierre publie un oukaze qui permet aux directeurs des fabriques d’acquérir des serfs, les industriels veulent obtenir le droit de fixer les ouvriers, de fait, l’ouvrier devient serf, esclave du patron de l’usine.
TRANSFORMATION DE L’INSTRUCTION
Le service, la fonte des canons ou la recherche des minerais, tout cela exigeait une formation professionnelle. Jusqu’au règne de Pierre, il n’avait jamais été question d’établissements de formation. Il y avait des écoles paroissiales, où le programme éducatif comprenait la lecture, l’écriture et les bases des mathématiques, mais rien de plus sauf la théologie. Il y avait aussi la prestigieuse académie gréco-latine, fondée par la sœur de Pierre, Sophie. Il en sortait de brillants savants, uniquement philologues et théologiens.
Mais la guerre avait d’autres nécessités. On ouvre à Moscou une école d’artillerie et une autre de mathématiques et de sciences de
la navigation pour lesquelles Pierre invite des enseignants étrangers. L’enseignement était donné en latin, on y apprenait les mathématiques, les sciences de la navigation et de la mer, de l’artillerie et de la géodésie.
A Saint-Pétersbourg fut créée L’Académie Maritime. La médecine pratique se développe. Une Ecole de médecine ouvre à Moscou. A sa tête, Nikolla Bidloo, médecin particulier de Pierre 1er. On y étudie la chirurgie, Bidlo crée un théâtre anatomique, on publie des manuels. Les futurs médecins et chirurgiens étaient destinés à l’armée et la flotte.
Les écoles militaires, d’ingénieurs etc., nécessaires aux desseins du tsar, étaient très différentes des précédentes:
c’était des écoles publiques.
Ainsi donc les réformes de l’armée sont bien à l’origine d’écoles de toutes sortes. Il faut cependant signaler ici que Pierre rêvait de cadres pour l’armée et de qualification pour les soldats et les marins, mais n’avait pas la moindre volonté humaniste
de donner une instruction générale à tous.
Tout en mettant au premier plan la pratique, la nécessité de posséder des connaissances générales élémentaires se fit bientôt sentir.
TRANSFORMATION DE LA VIE CULTURELLE
Pierre est également connu comme celui qui a fait raser leurs barbes aux Boyards, les a obligés à porter des « vêtements européens » et de venir aux « assemblées ». Les assemblées étaient en fait une sorte de réunions culturelles, où tous devaient savoir danser, manger correctement, converser poliment sur des sujets sérieux et beaux, de préférence en anglais ou en français. Pour la Russie de cette époque ce fut un véritable choc culturel. Imaginez aujourd’hui quitter votre jean confortable et vos baskets, et tous les samedis vous rendre passer la nuit - et cela est pénible si vous n’avez plus 20 ans - à des soirées où vous devez porter habit de cérémonie et ne pas rester muet : parler, mener des conversations, discuter de poésie, des philosophes de L’Antiquité, danser. Pierre a choisi ces mesures pour instaurer la culture de la Cour, pour la rendre européenne, au moins extérieurement. Mais que viennent faire ici l’armée et les soirées ? Avec le développement de l’armée, de la flotte, de l’éducation et de l’industrie, de nombreux étrangers s’installent en Russie. Ils discutent dans leur langue et sont habitués à passer leurs loisirs autrement que les boyards. Ces étrangers étaient intégrés profondément à la vie de l’élite, de la cour et ont eu nécessairement une influence sur la société. Les assemblées seront normalisées, et la Russie deviendra le pays des bals.
De même, les victoires militaires de l’armée de Pierre contraignent l’Europe à se tourner vers la Russie. La Russie et l’Europe seront prêtes à dialoguer. Il ne faut pas oublier que dès le règne d’Elisabeth, fille de Pierre, la cour russe parle français, Alexandre Ier échange en français avec Napoléon, le français est pour l’empereur russe une langue maternelle, plus que la langue russe.
CONCLUSION
Ainsi donc les réformes de l’armée furent le moteur de la société dans son ensemble. Grâce aux besoins de l’armée et de la flotte, on voit se développer l’industrie, la législation, l’enseignement, les contacts avec l’Europe. Cependant, les nécessités de l’armée et de la flotte ont entraîné l’augmentation des impôts, le développement du servage et son extension à de nombreuses catégories
Octobre-Novembre-Décembre 2021
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